J’ai testé pour vous la qualification d’urbaniste OPQU
Publié le 17 Octobre 2013
Créé en 1998, l’Office professionnel de qualification des urbanistes (OPQU), association de loi 1901, délivre la qualification d’urbaniste. 3% des 20 000 urbanistes de France seulement, soit 600 personnes ont été qualifiés.
Fondé sur la reconnaissance des diplômes et de l’expérience professionnelle en urbanisme, la qualification d’urbaniste est une attestation délivrée par l’OPQU lui-même qui ne bénéficie d’aucun sceau particulier du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ou du Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Seul un protocole entre le Ministère en charge de l’urbanisme et l’OPQU régit un lien entre l’office et l’État.
Tout récemment qualifié OPQU (septembre 2013), j’ai testé pour vous la candidature à la qualification d’urbaniste.
La liste d’aptitude à la qualification d’urbaniste : un processus discrétionnaire vis-à-vis des masters d’urbanisme.
Géographe spécialisé en aménagement du territoire diplômé en 2005, Urbaniste diplômé en 2007 d’un Master délivré notamment par trois instituts d’urbanisme[1], je décidais fin 2010, après deux ans et demi d’expérience professionnelle dans un cabinet d’ingénierie spécialisé dans l’aménagement d’aéroports, de candidater sur la liste d’aptitude à la qualification d’urbaniste délivrée par l’OPQU.
------------------
[1] Master domaine « Urbanisme et territoires », mention « Cité et mobilité », spécialité « Transport et mobilité » dont la formation est assurée par les structures suivantes :
Département ville, environnement, transport (École des ponts ParisTech) ;
Institut français d’urbanisme (Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis) ;
Institut d’urbanisme de Paris (Université Paris 12 Créteil Val-de-Marne) ;
UFR sciences humaines et sociales (Université de Marne-la-Vallée).
Antichambre de la qualification d’urbaniste OPQU, la liste d’aptitude, permet à tout jeune urbaniste diplômé d’un master, d’entrer progressivement dans le processus de qualification en faisant reconnaître sa formation.
Moyennant 20€, le candidat à la liste d’aptitude soumet un épais dossier de candidature comportant :
- le CV (avec photo d’identité) ;
- la photocopie du diplôme initial de niveau L (ou 2ème cycle universitaire avant la réforme LMD) ;
- L’attestation de réussite en Master 1 (accompagnée d’une note visée par l'autorité responsable du Master qui précise le programme et les ECTS obtenus) ;
- la photocopie du diplôme Master 2 d’urbanisme avec son annexe descriptive ; lorsque le candidat ne dispose pas du diplôme officiel (notamment les candidats récemment diplômés) une attestation de réussite émise par l'autorité responsable du Master, précisant l'intitulé exact du Master (ou une note visée par l’organisme qui délivre le diplôme) qui récapitule le programme et l’ensemble des ECTS obtenus en Master (M1 et M2).
La qualification d’urbaniste est accessible par trois niveaux (A, B et C), selon la nature du diplôme présenté. Plus le diplôme est spécialisé en urbanisme, moins l’expérience professionnelle requise pour être qualifiée sera longue, le niveau A étant le plus favorable.
L’inscription sur la liste d’aptitude ne fait qu’entériner par anticipation le niveau d’accès à la qualification pour le candidat en fonction du diplôme qu’il aura présenté.
Selon le règlement intérieur de l’OPQU, « l’accès A basé sur les formations en urbanisme concerne :
- Les formations intégrées en urbanisme sanctionnées par un Master,
- Les formations d’une autre discipline complétées par une formation en urbanisme sanctionnée par un Master,
- Les doctorats en aménagement de l’espace et urbanisme correspondant aux exigences de la 24e section du Conseil national des universités. »
Cet accès A permet ensuite au candidat de n’avoir à présenter « que » deux ans d’expérience professionnelle en urbanisme pour être qualifié.
Mon diplôme étant un master urbanisme et territoires, délivré par trois instituts d’urbanisme, je pensais arriver en terrain conquis pour obtenir l’accès A en m’inscrivant sur la liste d’aptitude à la qualification d’urbaniste OPQU : il n’en fut rien.
Dans sa lettre de réponse à ma candidature à la liste d’aptitude à la qualification d’urbaniste, l’OPQU m’écrivait :
« Au vu des diplômes que vous avez présentés, nous vous informons que vous pourrez présenter votre dossier de demande de qualification d'urbaniste par l'accès B : nous vous invitons à solliciter la qualification d'urbaniste, dès que vous disposerez d'une pratique professionnelle dans le champ de l'urbanisme suffisamment diversifiée et d'une durée minimale de cinq ans ».
Pour rappel, toujours selon le règlement intérieur de l’OPQU, « l’accès B, basé sur les formations autres que l’urbanisme concerne :
- Les formations d’une autre discipline sanctionnée par un diplôme à Bac + 5 minimum (Master ou équivalent, diplôme d’ingénieur, d’architecte…). »
Je demandais alors à l’OPQU de préciser les raisons de cette décision qui contredisait son propre règlement intérieur. Il m’a été laconiquement indiqué que l’accès A m’avait été refusé car mon diplôme offrait un Séminaire collectif de recherche en lieu et place de l’Atelier professionnel en groupe.
Selon l’OPQU, un Master d’urbanisme remplaçant son Atelier professionnel par un Séminaire de recherche n’offre pas plus de garantie de formation en urbanisme qu’un diplôme d’Architecte, d’Ingénieur ou d’une autre discipline que l’urbanisme de niveau Master au minimum ; un comble.
La qualification d’urbaniste : 300€ pour un dossier fastidieux que personne n’aura lu jusqu’à l’oral à part vous (et le délégué général).
Le dossier de candidature : premier obstacle décourageant
Ne désespérant pas face à la gestion discrétionnaire des candidatures à la liste d’aptitude à la qualification d’urbaniste de l’OPQU, je me suis décidé l’été dernier à présenter, après cinq ans d’expérience professionnelle en urbanisme, un très épais dossier de candidature à la qualification d’urbaniste.
Si vous vous portez candidat à la qualification d’urbaniste OPQU, sachez que vous devrez tout déballer sur la table !
Le dossier de candidature est une usine à gaz à lui tout seul, en témoigne la notice accompagnant le formulaire de candidature.
Ce dossier demande de dévoiler dans les moindres détails votre vie professionnelle, au travers d’un mémoire personnel et de trois travaux d’urbaniste que vous aurez réalisés au cours des dix dernières années. Il va de soi que je vous conseille de largement tartiner vos travaux des mentions « Confidentiel » et « Ne pas diffuser »…
L’objectif, à travers la fourniture de ces précieux renseignements, est de prouver que votre expérience professionnelle correspond aux critères du sacro-saint référentiel sur le métier d’urbaniste que l’OPQU a lui-même élaboré pour donner sa vision de l’exercice professionnel d’urbaniste.
Pour être qualifié par l’OPQU il faut respecter la règle stricte du 3 X 3 : 3 missions du référentiel métier exercées à 3 échelles différentes.
Tout l’art du candidat est d’alors de puiser dans son expérience professionnelle les preuves d’exercice de trois missions inscrites au référentiel métier de l’OPQU, dont une doit correspondre à ce que l’office considère comme le « cœur de métier » de l’urbaniste :
- Analyse et prospective territoriale ;
- Conception urbaine ;
- Gestion urbaine
- Production d’opérations.
Comptez environ dix heures pendant deux à trois mois, sur votre temps libre pour constituer un dossier sérieux de candidature à la qualification, le temps pour vous de réunir les pièces nécessaires et de rédiger votre fameux « mémoire »…
Un oral de 20 minutes en marge de l’Université d’été du CFDU
Vint enfin le jour de « l’oral », face une commission de qualification composée de trois urbanistes qualifiées (trois femmes donc), volontaires pour auditionner les quelques candidats présents ce jour là ; qu’elles en soit remerciées, le travail devant être fastidieux.
Pour ma part je fus auditionné en toute fin de journée, à Poitiers, en marge de l’Université d’été du CFDU le jeudi 29 août 2013 pendant une courte demi-heure.
Attendez-vous surtout à parler de vous et à convaincre. L’oral sert avant tout à redire ce qui est déjà écrit dans votre épais de dossier.
Dans la mesure où vous arrivez avec votre dossier sous le coude le jour même de l’oral, personne ne l’aura encore lu à part vous !
Je présentais donc mon parcours académique et professionnel durant 20 bonnes minutes, interrompu quelques rares fois par des questions demandant ici et là des précisions ou explications. Le contenu de mon parcours professionnel semblait poser peu de difficultés.
À froid, plus d’un mois après cet oral, je ne garde qu’un souvenir limité d’une conversation à sens unique, relativement plate auprès d’une commission en revanche assez ouverte et curieuse du parcours du candidat.
Malgré le volontarisme indéniable des membres du jury, le bilan est terni par l’amateurisme et l’inutile complexité administrative de la démarche : tout ça pour ça ?
Et après l’oral ? Un avis de la commission d’instruction, un vote du conseil d’administration et un coup de fil
La décision sur votre candidature n’est connue que plusieurs semaines après l’oral. La commission d’instruction des dossiers de qualification émet un avis positif ou négatif sur votre dossier, qui je l’espère elle aura enfin lu !
On peut toutefois apprécier la présence constante du Délégué général de l'OPQU dans le processus, qui n'hésitera pas à répondre à vos questions sur le dossier.
Il est l'un des rares membres de l'OPQU qui prendra le temps d'analyser le contenu des pièces du dossier et de vous orienter, notamment par téléphone dans la rédaction de votre mémoire.
Le conseil d’administration vote ensuite individuellement chacune des candidatures à la qualification, énième lourdeur administrative
Je reçus un très court appel téléphonique du Délégué général de l’OPQU qui me fit part de l’acceptation de ma candidature à la qualification d’urbaniste. Le certificat de qualification sera ensuite édité par l’OPQU et envoyé par la poste à mon adresse personnelle.
Mis à part la curiosité, l’absence de douleur de se voir délesté de 320€ par une association et le militantisme pour la visibilité de la profession d’urbaniste, je ne vois aucune raison de recommander à quiconque de présenter, en l’état actuel du dispositif, un dossier à l’OPQU, que ce soit pour la liste d’aptitude ou pour la qualification.
Seuls les urbanistes formés sur le tard, ne présentant aucun Master ou Doctorat d’urbanisme (architectes, géomètres, ingénieurs, etc.) pourraient y trouver quelconque intérêt en faisant reconnaître, sur un bout de papier s’apparentant de loin à un diplôme, leur expérience professionnelle.
Dans sa configuration actuelle, la qualification OPQU n’est qu’un détournement artisanal et grossier de la Validation des acquis de l’expérience (VAE).
Ce qui expliquerait alors que près de la moitié des urbanistes qualifiés soit autodidacte en urbanisme (sans aucun diplôme supérieur de niveau Master minimum en urbanisme).
Ce mode de fonctionnement pourrait également expliquer la composition étrange du conseil d’administration de l’OPQU qui accueille en son sein plus d’associations professionnelles d’architectes (Conseil national de l’ordre des architectes), de géomètres (Ordre des géomètres-experts) et d’ingénieurs (Association des ingénieurs territoriaux de France), que d’urbanistes.
La qualification d’urbaniste est une riche idée, encore faut-il qu’elle soit professionnelle et juste pour les urbanistes eux-mêmes.